Arabe > grammaire > écriture > alphabet > ʾalif - أَلِف

La première lettre de l’abjad arabe, écrite en position isolée ا , a hérité de deux valeurs phonologiques dans son parcours depuis ses origines.
• la consonne « coup de glotte » /ʔ/, sa valeur d’origine
• la voyelle longue /aː/
Ceci contribue à expliquer la multiplicité de ses emplois contemporains.

ʾalif et transcription de la voyelle longue /aː/
Pour transcrire la voyelle longue /aː/, la ʾalif est le graphe prépondérant en arabe fuṣḥā. Dans un texte vocalisé, il est précédé par une consonne portant le signe diacritique
fatḥa qui transcrit la voyelle courte /a/), et est considéré comme sa prolongation.
La ʾalif transcription de la voyelle longue /aː/ est notamment utilisé dans les schèmes des verbes de formes iii فاعل et vi تفاعل , dans les maṣdārs des verbes de formes iii فعال/مفاعلة , iv ,إفعال vi تفاعل , vii انفعال , viii افتعال , ix افعلال et x استفعال , dans les participes de forme i فاعل , iii مفاعل et vi متفاعل , dans les schèmes nominaux singuliers فعلان ,مفعال ,فاعول ,فعّال ,فعال , les
pluriels فعلاء ,فواعيل ,فواعل ,مفاعيل ,مفاعل ,أفعال , les terminaisons du duel des verbes ,ا/ان et des noms au nominatif ان , le pluriel féminin ات , la 3e personne de l’accompli des
verbes concaves نام , etc.

La voyelle longue /aː/ ‘n’est pas transcrite par une ʾalif dans quelques de mots, certains étant cependant très courants : إِلٰه /ʔilaːh/ ‘dieu’ et ses dérivés, dont ٱللَّٰه /allaːh/ ‘Dieu’, رَحْمٰن /raħmaːn/ ‘miséricordieux’, les démonstratifs de proximité singuliers masculin /haːðaː/, féminin هٰذِهِ /haːðihiː/, pluriel هٰؤُلاءِ /haːʔulaːʔi/, le démonstratif d’éloignement
masculin singulier ذٰلِكَ /ðaːlika/, les conjonctions لٰكِنْ /laːkin/ et لٰكِنَّ /laːkinna/, etc. Pour
les textes non vocalisés, aucun graphe n’apparaît. Un signe diacritique spécifique est parfois
utilisé pour les textes vocalisés (essentiellement dans le Coran) ; il s’agit de la ʾalif
suscrite (en arabe : ʾalif ḫanjariyya أَلِف خَنْجَرِيّة ʾalif poignard’), qui apparaît dans les
exemples ci-dessus, et qui consiste en un court trait vertical au-dessus de la consonne précédant
/aː/. Dans d’autres vocalisations de textes, on trouve aussi le signe diacritique fatḥa
(َqui transcrit habituellement la voyelle courte /a/), surmontée ou nom de la ʾalif suscrite.

A la fin d’un mot, la voyelle longue /aː/ peut être transcrite par la ʾalif traditionnelle,
notamment après yāʾ : دُنْيا /dunjaː/ ‘monde’ ou desmots étrangers relativement récents فَرَنْسا
/faransaː/ ‘la France’ ou سِينَما /siːnamaː/ ‘cinéma’. Cependant, en fin de mot, la voyelle
longue /aː/ est très souvent transcrite par un yāʾ sans point, appelé ʾalif maqṣūra عَلى 10
/ʕalaː/ ‘sur’. Comme la ʾalif traditionnelle, placée en fin de mot, elle est précédée par
une consonne portant dans les textes vocalisés le signe diacritique fatḥa, dont elle est la
prolongation الْفَتَى /alfataː/ ‘le jeune homme’.
On trouve la ʾalif maqṣūra notamment dans les verbes «défectueux» ( ناقِص ) actifs, si
la troisième radicale est yāʾ ي, en particulier à la 3e personne du masculin singulier à l’accompli
(al-māḍī) pour les verbes conjugués sur le modèle بَنى /banaː/ ‘il construisit’ et aux
personnes du singulier et à la 1re du pluriel à l’inaccompli (muḍāriʿ) pour ceux conjugués
sur les modèles suivants pour les formes i يَبْقى /jabqaː/ ‘il reste’, v يَتَغَذَّى /jataɣaððaː/ ‘il
déjeune’ et vi يَتَلاشَى /jatalaːʃaː/ ‘il disparaît’.
Si la troisième radicale des verbes « défectueux » actifs de la première forme est wāw
و’, on trouve une ʾalif traditionnelle à la 3e personne du masculin singulier à l’accompli :
شَكا /ʃakaː/ ‘il se plaignit’. Mais pour tous ces verbes, au passif, on trouve un yāʾ (avec
deux points) à l’accompli : بُنِيَ /bunija/ ‘il fut construit’, شُكِيَ /ʃukija/ ‘il fut plaint’ et la
ʾalif maqṣūra (sans point) à l’inaccompli يُبْنَى /jubnaː/ ‘il est construit’, يُشْكَى /juʃkaː/ ‘il est
plaint’.
On trouve la ʾalif maqṣūra à la fin de noms d’origine étrangère et ancienne : مُوسِيقى
/muːsiːqaː/ ‘musique’, موسى /muːsaː/ ‘Moïse’, عيسى /ʕiːsaː/ ‘Jésus’,…

Si, à un nom terminé par une ʾalif maqṣūra, on ajoute un suffixe, elle se transforme en
ʾalif traditionnelle : pronom clitique مُوسِيقاهُم /muːsiːqaːhum/ ‘leur musique’, tāʾ marbūṭa
الْفَتاةُ /alfataːtu/ ‘la jeune femme’. Cependant, l’ajout d’un pronom clitique aux prépositions
عَلى /ʕalaː/ ‘sur’ et إِلى /ʔilaː/ ‘vers’ transforme la ʾalif maqṣūra en yāʾ عَلَيْهِ /ʕalajhi/ ‘sur lui’
et إِلَيْها /ʔilajhaː/ ‘vers elle’, ce qui rappelle le lien étymologique entre les deux.

ʾalif orthographique
La ʾalif a aussi des emplois autres que la transcription de la voyelle longue /aː/, où elle
n’a essentiellement qu’une valeur orthographique, sans réalisation phonologique :
• la ʾalif fāriqa ألففارقة placée après le wāw و final des formes plurielles du verbe à la
3e personne masculin de l’accompli (māḍī) فعلوا /faʕaluː/ ‘ils ont fait’ de l’impératif
(ʾamr) افعلوا /ifʕaluː/ du subjonctif (manṣūb) et de l’apocopé (majzūm) يفعلوا /jafʕalu
ː/ ainsi que la 2e personne masculin du subjonctif et de l’apocopé تفعلوا /tafʕaluː/.

Cette ʾalif dite orthographique ne se prononce pas et disparaît à l’écrit si un pronom
clitique est suffixé au verbe : فعلوه /faʕaluːhu/ ‘ils l’ont fait’.
• la ʾalif support du tanwīn ; ألف التنوين de l’accusatif indéfini (-an) des singuliers et
pluriels non diptotes أَيْضاً /ʔajdˤan/ ‘aussi’. Il est support du signe diacritique marquant
l’accusatif, i.e. la fatḥatānً , fatḥa redoublée pour marquer l’indéfinition
du mot. C’est la quasi-unique marque de déclinaison des singuliers dans un texte
non vocalisé11. Cette ʾalif support ne s’écrit pas après les noms terminés par une
tāʾ marbūṭa لُغَةً ة /luɣatan/ ‘langage’, une ʾalif mamdūda ماءً اء /maːʔan/ ‘eau’, une
hamza sur ʾalif خَطأً أ /xaṭaʔan/ ‘erreur’, une ʾalif عَصًا ا /ʕaṣan/ ‘bâton’ ou une ʾalif
maqṣūra فَتًى /fatan/ ‘un jeune homme’12.
• la ʾalif support de madda آ /ʔaː/ ‘( ألف ممدودة ) : la madda (allongement) est un signe
placé au dessus de la ʾalif pour indiquer qu’il faut la prononcer comme « un coup de
glotte» ayant pour voyelle un /aː/ ‘long : آب /ʔaːb/ ‘août’, قُرْآن /qurʔaːn/ ‘Coran’. Il
permet de ne pas écrire deux ʾalifs qui se suivent, soit que chacune sert de support
à une hamza, la première portant une fatḥa et la seconde un sukūn : أَأْكُلُ* > آكُلُ
/ʔaːkulu/ ‘je mange’, soit que le premier sert de support à une hamza et est suivi
d’une ʾalif voyelle longue تَأَاكَلَ* > تَآكَلَ /taʔaːkala/ ‘il se corroda’.
• la ʾalif support de la hamza qaṭʿ(ʾalif mahmuːza 13 (ألف مهموزة : c’est le seul support
possible de la hamza en début de mot14, celle-ci étant placée au dessus de la ʾalif
si elle porte la voyelle fatḥaَ /a/ أَرْض /ʔardˤ/ ‘terre’ ou ḍammaُ /u/ أمُّ /ʔumm/ ‘mère’
et au dessous de la ʾalif si elle porte la voyelle kasraِ /i/ إِلى /ʔilaː/ ‘vers’. En milieu
de mot, la ʾalif est support de hamza seulement si la consonne qui la précède porte
la voyelle fatḥa et la ʾalif porte la fatḥa سَأَلَ /saʔala/ ‘il demanda’ ou le sukūn ,ْ
signe posé sur une consonne non suivie d’une voyelle, رَأْس /raʔs/ ‘tête’, ou alors si
la consonne qui le précède porte le sukūn et la ʾalif porte la fatḥa مَسْأَلة /masʔala/
‘question’. En fin de mot, la ʾalif est support de hamza seulement si la consonne qui
la précède porte la voyelle fatḥa بَدَأَ /badaʔa/ ‘il commença’. Dans les autres cas de
vocalisation, la hamza se pose sur la lettre wāw ؤ, le yāʾ sans point ئ ou seule sur
la ligne ء selon les règles complexes exposées ci-dessous dans la partie consacrée à
la hamza.

• La ʾalif support de la hamza waṣl, appelée aussi hamza instable : elle n’apparaît
qu’en position initiale du mot et la hamza waṣl est essentiellement transcrite, dans
les textes ornementés, par un diacritique en forme de ص(pour وصل = waṣl, lien) : .ٱ
Cette ʾalif indique une liaison avec la voyelle finale du mot précédent. Elle se place
avant une suite de deux consonnes, qui, si elle se trouve en début de phrase, après
une pause, ne peut se prononcer en prosodie arabe. Dans ce cas, la hamza waṣl
transcrit un « coup de glotte », similaire à celui transcrit par la hamza qaṭʿ, sans
que le diacritique apparaisse. Pour les textes vocalisés, on place juste la voyelle
courte, généralement kasraِ sous la ʾalif. Son emploi le plus courant est comme
première lettre de l’article défini ال (cf. infra 1.4.1.5.2 page 36, on la retrouve dans
les relatifs de type الذي ). On la trouve aussi en initiale des impératifs de première
forme اِفْعَلْ et des formes vii اِنْفَعِلْ , viii اِفْتَعِلْ , ix اِفْعَلِل et x اِسْتَفْعِلْ , de l’accompli des
formes vii اِنْفَعَلَ , viii اِفْتَعَلَ , ix اِفْعَلَّ et x اِسْتَفْعَلَ , pour certains noms, parmi lesquels
ابن /(ʔi)bn/ ‘fils’ et اسم /(ʔi)sm/ ‘nom’ ainsi que des noms d’origine étrangère comme
اِستوديو /(ʔi)stuːdjuː/ ‘studio’ qui commencent par une suite de deux consonnes. Le
rôle prothétique de la hamza waṣl apparaît clairement dans ces cas.
La différenciation entre la hamza qaṭʿ et la hamza waṣl est souvent objet de confusion.
C’est notamment le cas entre lemaṣdār des verbes de forme iv إِفْعال qui commence par une
hamza qaṭʿ, et les maṣdārs des verbes de forme vii اِنْفِعال , viii اِفْتِعال , ix اِفْعِلال , et اِسْتِفْعال
qui commencent par une hamza waṣl.